Dans l'équipe;
La ville du maire Robert Ménard (divers droite) pouvait-elle devenir propriétaire de l'Association sportive de Béziers Hérault (ASBH), même temporairement ? Non, à en croire la chambre régionale des comptes (CRC) d'Occitanie, dans un nouveau rapport consacré à Béziers et que l'Équipe a pu consulter. Tout remonte à 2021. Cette année-là, l'autorité de régulation du rugby menace le club, exsangue financièrement, de rétrogradation administrative. La ville décide alors de devenir propriétaire et de racheter à Passion d'Ovalie, les précédents actionnaires, les parts qu'ils détiennent dans la société.
Trois ans plus tard, la CRC juge cette « solution, présentée comme transitoire, pas en accord avec les dispositions légales qui encadrent les participations des collectivités dans les sociétés commerciales. Les engagements financiers de la ville dans cette opération, à hauteur de 700 000 euros, devront être rachetés par le futur repreneur », concluent les magistrats financiers. Ménard, lui, rétorque avoir vu dans cette prise de participation une « véritable opportunité » : le « seul moyen juridique d'exercer un véritable contrôle sur la gestion globale du club et sur l'utilisation des financements », a-t-il répondu à la CRC.
Et des financements, ces dernières années, il y en a eu... beaucoup. Sur la période examinée, de 2018 à 2023, le club, composé de deux structures (une association chargée de la partie amateur, et une société gérant la sphère professionnelle), a touché 7,1 millions de subventions publiques (dont 4,8 millions pour la seule ville de Béziers). Cela représente 17 % des produits d'exploitation, soit plus que le double de la moyenne observée chez les concurrents de l'ASBH.
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À cela s'ajoutent des subventions exceptionnelles (1,25 million d'euros) versées par la ville pour « maintenir les équilibres financiers de la société professionnelle ». Des subsides qui ne sont « pas prévus par le Code du sport », note encore la chambre régionale des comptes. Le club bénéficie aussi du soutien sans faille de la mairie, qui le dispense de redevance pour la mise à disposition du stade ou de loyer pour l'occupation de la brasserie, et qui dépense plus de 400 000 euros par saison pour apporter son « aide technique et humaine », lit-on dans le rapport de la CRC.
Les magistrats financiers précisent par ailleurs que la commune supporte les frais de fonctionnement du stade (562 000 euros par an) et qu'elle a investi 1 million d'euros pour faire de la pelouse la plus belle de la saison 2022-2023. Malgré cela, « le modèle économique de la SASP (reste) structurellement déficitaire ». La société qui gère le club professionnel affirme quant à elle que ce déficit n'a « de cesse d'être réduit année après année grâce aux efforts de gestion de la nouvelle gouvernance ».
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Des subventions sont-elles justifiées par des missions d'intérêt général, qui sont normalement leur raison d'être ? La SCIC créée par la ville pour prendre le contrôle du club et officiellement pour « faire vivre le cluster sportif de la ville de Béziers » est en réalité une simple « holding de détention de la SASP Béziers Rugby (...) En dehors de cet acte d'acquisition, malgré son objet social notamment de promotion des valeurs collectives et sociales du sport, la SCIC n'a pas d'activité connue. Elle ne compte aucun salarié », soutient la CRC.
Une conclusion avec laquelle Ménard est en profond désaccord : « La SASP justifie mille fois des missions d'intérêt général », dit-il. Évoquant notamment la formation professionnelle, l'insertion sociale ou encore la lutte contre les violences. Le club, lui, promet qu'il va mettre en place un « rapport d'activités spécifiques sur l'utilisation desdites subventions ». Et assure qu'elle ne commandera plus de prestations onéreuses sans obtenir l'aval du conseil de surveillance... Ainsi en va-t-il de ces missions commandées par des anciens actionnaires du club, au bénéfice de leurs entreprises, pour plusieurs millions d'euros, et qui les exposaient à de possibles situations de conflits d'intérêts.
Autre écueil : Passion d'Ovalie, le précédent actionnaire, a aussi facturé plus de 800 000 euros de prestations de conseil, entre 2018 et 2021, destinées à poser les jalons d'un « modèle économique novateur ». « Eu égard à leur montant significatif, la chambre a demandé (au club) la communication de tout document permettant de prendre connaissance des missions de conseil effectuées. Les documents remis par (le club) et par Passion d'Ovalie n'ont pas permis d'apprécier la consistance et la réalité des missions ». Tout au plus, écrivent les magistrats, ont pu être retrouvées quelques pages très générales, « au contenu succinct » et « superficiel ».